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La lettre de motivation est ce qu'on appelle un exercice convenu. Il existe des normes, mais les suivre ne donne aucune garantie de succès. Il peut parfois même être préférable de s'éloigner des conventions pour se démarquer. Au milieu de ces injonctions contradictoires, le ou la candidate ressent parfois le vertige du vide... Et la page reste blanche. Comment sortir de cette impasse ?
Le fait de devoir écrire une lettre de motivation vous confronte parfois à une réalité très dérangeante. Celle du fossé qui existe entre les attentes du recruteur à qui vous allez vous adresser et vos propres attentes. Pour résumer, le recruteur veut souvent :
De votre côté, vous pouvez être :
Ce décalage vous oblige donc à faire un choix difficile : abandonner la candidature ou mentir. Ce dilemme est cruel : personne n'aime tomber dans l'hypocrisie, mais l'obtention d'un emploi est une nécessité vitale.
Tout ce qui relève de la survie a tendance à nous faire oublier l'observation de la morale la plus basique. Certes, il n'est pas bien de mentir. Mais qui vous conseillera d'avouer lors d'un entretien que vous n'êtes pas du matin, que vous ne supportez pas les réunions interminables et qu'on ne vous retiendra pas au bureau après 18 h ?
La société vous encourage à faire semblant de ressentir un enthousiasme débordant même lorsque vous considérez votre travail avant tout comme une source de revenus. D'ailleurs, le simple fait de considérer son travail comme alimentaire suscite la désapprobation sociale. En entretien, c'est tout à fait tabou, y compris lorsqu'il s'agit de postuler pour un emploi peu valorisant.
La situation inverse est également répandue, à savoir que les missions poposées vous enchantent et que vous avez très envie de vous investir dans le poste pour lequel vous postulez mais c'est l'aspect alimentaire qui pose souci.
Conséquence de cette pression sociale à vivre le travail de manière épanouissante, nous tentons de nous persuader que nous souhaitons ardemment ce qui est souhaitable au yeux du monde. Nous aimerions traduire cela par des mots dans une lettre convaincante. Or les mots ne sortent pas, la page reste blanche.
Analysez la situation froidement. Vous souhaitez passer un contrat avec un employeur : en échange d'un salaire vous permettant de vivre, il aura le droit de mobiliser 7 heures de votre journée au minimum, il pourra vous inciter à ne pas écouter votre ressenti, vos états d'âme, votre fatigue. Dans le meilleur des cas, vous trouverez ce travail intéressant, dans le pire des cas vous ferez face au stress et à l'ennui.
Lorsque vous postulez, vous êtes dans une position de fragilité particulière, où vous avez du mal à dire non et où vous êtes encouragé·e à aller au-delà de vos limites. Il est probable que vous allez enjoliver votre ressenti. Cela fait partie du jeu, c'est même nécessaire. Pour parvenir à exprimer des choses positives dans votre lettre de motivation, il est important de les ressentir un peu, mais surtout de savoir les jouer, beaucoup. L'entreprise est un théâtre où les salariés jouent une comédie de la bonne humeur. Vous allez donc raconter une belle histoire au recruteur, une belle histoire à laquelle, dans le fond, personne ne croit vraiment mais cela n'a pas d'importance. Les consommateurs ne croient pas non plus aux belles histoires marketing et pourtant le storytelling fait acheter en masse.
De son côté, l'employeur fait exactement la même chose : il prétend que son entreprise est fabuleuse, que ses employés sont tous très soudés et motivés, que son produit est novateur et que les perspectives d'avenir sont extraordinaires. Or les discours de ce type cachent souvent une réalité moins reluisante. Que ce soit dans le texte d'une annonce ou dans le discours qu'on vous tient en entretien, apprenez à décrypter les formules convenues.
Le fameux "on est une équipe jeune" signifie souvent "je ne paye pas bien mes employés". La question "j'espère que les grosses journées ne vous font pas peur" trahit une organisation défaillante qui risque de mener tout le monde au burn-out. Lorsqu'on vous demande si vous parvenez à gérer les personnalités difficiles, cela peut cacher le fait qu'une personne tyrannique, voire même perverse, sévit dans l'entreprise avec la bénédiction de la direction.
Ayez conscience que les meilleurs profils sont aussi les plus exigeants et les plus perspicaces et que les entreprises peuvent avoir autant de difficultés à vous servir un beau discours que vous en avez à prouver votre motivation.
Vous ressentez une pression importante, celle de parvenir à vous insérer professionnellement, de nourrir votre famille, de rester ou devenir aux yeux des vôtres une personne qui occupe un bon poste et affiche une forme de réussite. Pour faire retomber la pression, n'oubliez pas que pour l'entreprise aussi l'enjeu est de taille. Il suffit d'un mauvais recrutement pour plomber une équipe. Vous avez peur du chômage mais l'entreprise a peur de perdre des parts de marché. Vous vous demandez si vous allez retrouver un bon emploi, le recruteur se demande s'il va trouver une bonne recrue. Des deux côtés, il y a le besoin d'être rassuré.
Ne croyez surtout pas les entreprises s'imaginent vous faire rêver. Certaines, bien sûr, comptent sur l'attractivité de leur activité ou produit. Des structures très innovantes ou des associations peuvent même vous attirer par la promesse d'oeuvrer à un monde meilleur. Mais la plupart du temps, les entreprises essaient d'attirer les meilleurs profils en se vantant de posséder une structure solide, bien organisée, dans laquelle la valeur de l'employé est reconnue et où on peut espérer faire une belle carrière. Par conséquent, ce qui est attendu de vous dans la fameuse lettre de motivation qui vous donne tant de mal, ce n'est pas une démonstration d'enthousiasme trahissant un caractère idéaliste mais plutôt un exposé raisonnable de l'adéquation entre le poste et vos compétences et envies.
Lorsque vous ressentez de manière trop forte le décalage qui existe entre vos attentes et celle de l'employeur, cela bloque votre capacité d'expression. Vous faites face à une page vide et il devient impossible de la remplir. Il y a trois possibilités pour sortir de cette impasse : la première consiste à opérer une sélection drastique des offres d'emploi auxquelles vous postulez pour éviter le grand écart qui vous mène au vertige.
La deuxième consiste en un effort particulier pour re-définir ses attentes. Il s'agit de se remotiver en changeant d'angle. Par exemple, une étape de carrière qui pourrait s'avérer profitable dans le futur mérite d'être envisagée. Un secteur qui ne vous attire pas au premier abord pourrait vous offrir un cadre de travail suffisemment rassurant pour que votre potentiel se révèle. Qu'il s'agisse d'un argument sentimental (vous aimez le produit, la marque) ou d'un argument plus concret (l'entreprise est stable, le salaire est attractif), vous ferez un effort particulier pour trouver un angle d'attaque cohérent avec votre ressenti.
Enfin, la troisième solution, qui est aussi sans doute la meilleure à long terme, consiste à ne pas surjouer l'expression de votre motivation et à tabler sur la maturité de la personne en charge du recrutement. Une solution qui potentiellement vous fera perdre quelques opportunités d'entretiens tout en augmentant vos chances de rencontrer l'employeur qui vous correspond vraiment.
Mise à jour : 20 septembre 2019