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Records Management : Synthèse

2. "Les ingrédients du Records management"

2.1. Les concepts du Records Management

Afin de bien appréhender la définition du Records Management, il est nécessaire de poser les concepts clés qui fondent le Records Management.

2.1.1 Les concepts de document et record

D'après l'ISO un document peut être défini par son support et son contenu : c'est l'ensemble d'un support d'informations et des données enregistrées sur celui-ci sous forme en générale permanente et lisible par l'homme (8). Le Conseil International des Archives (9) va plus loin en définissant le document comme une information enregistrée, générée, collectée ou reçue dans le cadre de la mise en oeuvre de la réalisation ou de l'achèvement d'une activité institutionnelle ou personnelle et qui englobe le contenu, le contexte et la structure suffisants pour constituer une preuve ou évidence de l'activité.
Avec le Records Management, dans un document, on prend non seulement en compte sa valeur d'information mais également sa valeur en tant qu'archive qui lui donne des attributs et comportements propres et qui le distingue des autres formes d'informations.

2.1.2 Le concept d'archive

La loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 (10) définit les archives comme l'ensemble des documents, quelques soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale ou par tout organisme public ou privé, dans l'exercice de son activité. On peut lui reconnaître un caractère novateur puisqu'elle rejette toute dichotomie entre archives courantes et historiques, ainsi que l'idée selon laquelle documents et archives sont deux entités distinctes de natures différentes . On s'intéresse donc à la dimension production - réception - utilisation du document (électronique ou pas), tout au long de son cycle de vie.

2.1.3 Le record/document d'archive

Marie-Anne Chabin a analysé les propriétés du document d'archive et a introduit un nouveau regard en lui reconnaissant 5 caractéristiques propres :
- le support
- le contenu
- le contexte de création (activité). C'est ce qui fait la spécificité du Records Management
- la pertinence (valeur informationnelle)
- l'appartenance à un fonds/relativité : cette propriété réfère clairement à l'archivistique. Mais le Records Management introduit des nuances : là où l'archivistique considère la notion de producteur, presque un lien avec une personne physique, le Records Management préfère voir la notion d'activité, moins soumise aux changements au sein de l'organisation.

2.1.4 Le e-record

La question du support bouleverse aussi l'approche archivistique parce qu'elle oblige à repenser la question du traitement des documents d'archives, à se pencher sur la question de la conservation de ce type de support à travers le temps et les générations d'outils technologiques qui se succèdent rapidement. C'est à ce niveau que le Records Management introduit de nouvelles perspectives : quelque soit la forme, le support, le record doit être considéré comme une entité unique dont on doit préserver les caractéristiques, les liens avec les autres documents. Le traitement du document d'archive est donc centré sur la notion de preuve de l'activité. Le Records Management couvre alors les différentes étapes qui permettront de fournir les traces de l'activité de la création à sa phase de conservation/élimination.

Le Records Management oblige à anticiper l'évolution des propriétés des documents, à s'adapter dans un premier temps aux caractéristiques nouvelles qu'ils ont développées avec les évolutions technologiques. Leur aspect multiple à cause de l'existence de liens hypertextes, l'intégration de différents types d'information (multimédia) amène à privilégier la dimension logique des documents par rapport à leur structure physique : il est crucial de maîtriser les modalités de création dans l'environnement informatique, de définir les responsabilités des créateurs pour pouvoir retrouver l'information.
Une fois la substance même du Records Management définie, il est intéressant de voir comment cette " matière " est intégrée, circule au sein du système de Records Management.

2.1.5 Du cycle de vie du document au Records Continuum

Le cycle de vie est un concept étroitement lié au domaine de l'archivistique, qui dans le cadre du Records Management, a été progressivement remplacé par le Records Continuum au fur et à mesure que le regard sur le document a évolué. Le concept de cycle de vie est basé sur la théorie américaine des trois âges des archives.

La théorie des trois âges
Elle a été formulée par Schellenberg aux Etats-Unis en 1956. Elle segmente la vie du document en trois grandes étapes et le caractérise différemment selon son stade de vie :

  • La première étape concerne les archives courantes : ce sont les documents créés, conservés et dont l'utilité est permanente, à ce moment-là, pour ceux qui les ont produits, reçus pour les besoins de l'activité.
  • Ce sont les archives intermédiaires qui sont concernées par la deuxième étape décrite par Schellenberg : ce sont des documents qui ont dépassé le stade de l'utilisation courante. Leur utilisation est devenue plus ponctuelle, et en raison de leur caractère administratif, de leur utilité en matière de traçabilité, ils ne sont pas encore soumis au tri et à l'élimination.
  • Enfin, au terme de la vie des documents dans le cadre de l'activité de l'entreprise, les documents sont considérés comme des archives définitives. Ils ont subi un tri, ils peuvent être éliminés ou conservés dans l'intérêt de la documentation historique ou de la recherche.

On remarque que cette théorie s'appuie sur la géographie de l'entreprise, sur les lieux, en insistant sur la notion de passage d'un bureau au dépôt de pré-archivage puis au service des archives. Elle insiste déjà sur la notion de responsabilité des services producteurs.

Le cycle de vie du document
C'est la valeur de l'information qui est au cœur de concept. C'est cette valeur qui est amenée à varier selon les étapes de son utilisation. On découpe traditionnellement le cycle de vie du document en cinq étapes :

  • La création : une activité est productrice de documents, d'information. Le support, le format, la technologie utilisée pour cette étape ne rentrent pas en compte ici.
  • La diffusion et l'usage du document créé : on transmet l'information, les documents dont les services ont besoin pour la conduite des affaires courantes.
  • Gestion et maintenance : après le classement des informations, documents, on les intègre et conserve dans un système permettant la recherche, une utilisation active de cette information, selon des procédures de conservation et des mesures de protection en accès dans le but de préserver l'intégrité des données.
  • Le stade du tri et de l'élimination : lorsque la valeur des informations décline et que les documents ont atteint leur stade inactif, on procède au tri, à l'élimination ou au stockage.
  • La dernière étape consiste en la préservation et la conservation permanente des documents.

On peut noter dans les concepts précédemment évoqués que de tels systèmes engendrent la division des compétences, délimitent des domaines de travail, et que le rôle de l'archiviste est souvent réduit à celui de conservateur. Avec le Records Management, on voit alors apparaître un nouveau concept qui tend à réduire la fracture entre les fonctions de gestion de documents et l'archivage, conséquence de la théorie du cycle de vie. Ainsi le Records Management a-t-il pour but de créer une continuité et un tout intégré dans la création des archives et leur gestion en tant qu'archives courantes, intermédiaires et historiques (12).

Le records continuum
La théorie du Records Continuum, du devenir du document, a été formulée dans les années 1980 au Canada et développée en Australie, par un universitaire, Frank Upward (Université de Monash à Melbourne) afin de recentrer l'archivage sur l'événement documenté en lui-même. Cette théorie change le regard sur le document sans pour autant rejeter les activités décrites dans le cycle de vie et inscrit le Records Management dans une perspective multi-dimensionnelle : on doit avoir une vision du document dans sa continuité, selon l'angle de l'accessibilité tant qu'il a une valeur pour l'organisation. La notion de la continuité est incorporée dans l'essence même du système de conservation, dans la durée de vie définie des documents. La responsabilité des acteurs, du créateur du document aux archivistes, en passant par les informaticiens en charge de l'implémentation informatique est encore une fois accentuée.
La création documentaire [se trouve] à l'intersection de deux axes perpendiculaires et de cercles concentriques. Les quatre sections d'axe représentent le point de vue de l'observateur, tandis que les espaces entre les cercles symbolisent les dimensions de la vie du document. (13)

Sur ces axes sont positionnées :

  • L'identité : on y trouve la notion d'auteur, d'organisation, et de provenance structurelle.
  • La preuve · La transaction qui permet de faire le lien entre les documents créés et les activités de l'entreprise.
  • La conservation témoigne du passage de l'état de "records" à celui "d'archives".

    A partir de ces axes, on peut imaginer des cercles concentriques qui symbolisent les dimensions de la vie du document :

  • "create" : cette phase désigne la phase de création du document
  • " capture " constitue la phase de récupération des documents dans leur contexte. La capture du document nécessite une stricte formalisation des processus (indexation, classement...) et son intégration dans le système. La capture comprend donc l'identification du document, la détermination de sa valeur.
  • " organise " est employé pour désigner l'étape du contrôle et de l'utilisation des documents dans l'entreprise. On rejoint la question de la traçabilité : si le document subit des changements dans sa structure, son contenu, de catégorie à laquelle il est relié (un dossier "litige" peut devenir " contentieux " en cas d'action juridique ), il faut pouvoir suivre tout changement, toute évolution.
  • "pluralize" est la phase d'organisation de la mémoire de l'entreprise.

2.2. Gestion des risques et Records Management

Le document d'archives doit être le témoin de l'activité qui l'a produit. Pour cela, il est important de préciser le statut légal des documents et de leur gestion ainsi que leur durée de conservation en vue de rendre compte des actions de l'organisation.

2.2.1 La valeur probante du document

On constate de plus en plus une dématérialisation des documents qui oblige à repenser leur traitement. Si c'est presque la totalité des documents qui est produite sous forme électronique, il est certain que ces documents seront de plus en plus conservés sous cette même forme et de moins en moins sous forme papier : il faut donc penser à l'évolution du statut du document électronique, de l'archive électronique. Dans ce sens, la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 considère que les documents électroniques - sous réserve que les conditions d'établissement prouvent leur authenticité - ont aussi valeur de preuve de l'activité. Cette loi considère également le problème du statut légal de la signature électronique.
Néanmoins, bien des problèmes restent à résoudre en matière de lisibilité des informations dans les années à venir, à cause de l'évolution rapide des supports, des technologies informatiques. Comment va-t-on préserver l'accès, la lisibilité des informations ? En effet, on ne peut pas nier le lien entre la structure du document et la structure technique du système auquel il appartient. Qu'en est-il alors de la préservation de l'intégrité : les changements de système, de support ne sont-ils pas des atteintes à l'intégrité des documents ? Autant de questions que doivent gérer les records managers.

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2.2.2 L'évaluation des archives

En dehors de l'aspect mémoire, de l'aide à la décision stratégique, un établissement organise et conserve ses archives pour justifier ses actions en cas de litige, de contrôle et pour faire valoir ses droits. Il s'agit, à ce stade, de déterminer la valeur des documents d'archives et de décider de leur durée de conservation, de la période de temps pendant laquelle cette valeur, la valeur probante de l'activité, va s'appliquer aux documents dans leurs contextes propres. L'évaluation, puis le tri sont incontournables dans le processus de Records Management et représentent des éléments à prendre en compte dans l'élaboration d'un tableau de gestion.

2.2.3 Le tableau de gestion des documents

Le tableau de gestion est un outil indispensable pour gérer les informations au sein du système de Records Management, depuis leur création. S'il est utilisé pour déterminer quoi garder, pendant combien de temps, quoi détruire, il permet aussi de s'interroger sur le but final de cette gestion : dans quel but garde-t-on certains documents ? Le tableau dresse donc une liste des typologies de documents en imposant une logique fonctionnelle, par activité, basée sur la définition juridique des archives - documents produits ou reçus dans le cadre d'une activité -. Ensuite, on définit des durées de conservation basées sur les textes, sur la prescription juridique. Dans un contexte d'augmentation du nombres de litiges entre/avec les entreprises, il faut pouvoir être en mesure de justifier ses actes.

En somme, dans une démarche de records management, l'argument de la protection juridique de l'institution productrice est devenu aujourd'hui au moins aussi percutant auprès des décideurs que ceux de la pérennisation des compétences, de la rationalisation documentaire, des économies potentielles, de la sécurité des locaux, ou de la sauvegarde du patrimoine. (14)


8. Définition disponible sur : http://www.iso.ch
9. Définition disponible sur : http://www.ica.org
10. Consultable sur : http://www.legifrance.gouv.fr
11. DROUHET Geneviève, KESLASSY George, MORINEAU Elisabeth. Records Management : mode d'emploi. Paris : ADBS éditions, 2000, p. 17
12. DROUHET Geneviève, KESLASSY George, MORINEAU Elisabeth. Records Management : mode d'emploi. Paris : ADBS éditions, 2000, p.17
13. DROUHET Geneviève, KESLASSY George, MORINEAU Elisabeth. Records Management : mode d'emploi. Paris : ADBS éditions, 2000, p. 18.
14. FOURNIER Delphine. Les tableaux de gestion de documents : une des clés du records management. Documentaliste-Sciences de l'information, 1999, vol. 36, n°2, p.91.

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Cette synthèse a été réalisée en 2003 par Armelle Domas.

Armelle Domas a découvert le Records Management en effectuant une recherche sur les métiers des Sciences de l'Information dans le cadre de la Maîtrise de Sciences de la Documentation et de l'Information de Paris VIII. Elle a ensuite approfondi le sujet en DESS Ingénierie Documentaire à l'enssib/LyonI.

L'ensemble de ce dossier est également disponible au format PDF